mercredi 27 avril 2011

27 avril, il y a 106 ans, inauguration de l'exposition de Liége 1905

Il y a 106 ans exactement, avait lieu la cérémonie d'inauguration de l'Exposition universelle et internationale de Liége, le 27 avril 1905 !


L'exposition s'étendait sur près de 70 hectares, sur quatre site Liégeois ; la Plaine des Vennes, la Plaine de Fragnée, le Parc de la Boverie et l'annexe de Cointe. Une quarantaine de pays y ont été magnifiquement reçus.


Elle ferma ses portes le 6 novembre 1905, après que 7 millions de personnes l'aient visité !

L'idée germa dès 1895 et se concrétisa à partir de 1899. Le 23 juillet 1903, le prince Albert posait la première pierre.

Pose de la première pierre.

Le Prince Albert à Cointe.

Passage du Fourchu-Fossé par le Prince Albert.

L'Inauguration de l'Exposition


La veille, dans le silence subit d'une ville qui attendait l'annonce de sa prochaine apothéose, vingt-et-un coups de canons avaient été tirés par la batterie de la Citadelle.

Ce fut comme un dernier rappel dans la vie fiévreuse des préparatifs : la ville entière s'était remise à son travail, les jardiniers ratissant les allées et arrangeant un dernier parterre, les tapissiers hissant partout drapeaux et banderolles, cependant que là-bas, à l'Exposition, c'était la chamade folle des coups de marteaux, des ordres brefs, dans l'affolement de la fin.
Et la nuit qui précédait fut, pour beaucoup, agitée, telle pour les enfants la nuit qui précède la Saint-Nicolas.

Le matin du bienheureux jour, ce fut le dernier regard, le dernier coup d’œil donné à l'oeuvre, puis les uniformes sortirent des tiroirs, les dames s'occupèrent à leur toilette, les badauds consultèrent le ciel et le virent incertain.

Les deux heures qui précédèrent l'arrivée des Princes parurent angoisantes; on voyait dans les rues des gens affairés, des uniformes inconnus dont les ors et les broderies faisaient s'exclamer les enfants, des messieurs en habit noir et cravate blanche... puis une annonce courut sur la foule massée rue des Guillemins: voici l'armée! C'étaient ensuite quelques équipages en grande livrée; derrière leurs vitres étincelaient des uniformes,
des chamarrures. Le tout s'arrêta à la gare des Guillemins où des agents s'occupaient à frayer, aux invités, un passage dans la masse envahissante des curieux.

La gare avait reçu une décoration de gala, des palmes vertes et comme frise, à la galerie intérieure, une succession d'oriflammes clairs.

Gare des Guillemins

Sur le quai de la gare, non loin du bataillon du 14è de ligne, rangé avec son drapeau et sa musique, se trouvaient les notabilités de la Ville et de la Province; M. Kleyer, bourgmestre de la Ville, M. Pety de Thozée, gouverneur de la Province, le Président du Comité Exécutif et les Membres du Comité Exécutif, le Commissaire Général et le Commissaire Général Adjoint et les représentants de la Presse, belge et étrangère.

Tout-à-coup, un mouvement se dessina dans l'attitude des personnes qui attendaient :
un train descendant la rampe du Haut-Pré, s'avançait toujours plus proche... Il y eut un grand silence... les tambours battirent aux champs; un commandement bref succéda: « Présentez, armes! », et tandis que le train s'immobilisait au ras du quai, la Musique militaire, comme en une expansion de joie, jetait sous le hall vitré une vigoureuse et martiale Brabançonne.

La porte du compartiment s'ouvrant, on vit apparaître S. A. R. le Prince Albert, en grand uniforme de général, S. A. R. la Princesse Elisabeth, rose comme la Fée de printemps, puis Mme la comtesse d'Oultremont, M. le baron de Woelmont, chevalier d'honneur de la Princesse, M. le général Jungbluth, M. le heutenant du Roy de Blicquy, officier d'ordonnance de S. A. R. le Prince Albert.
Après une rapide revue des troupes massées sur le quai, le couple princier sortait de la gare, cependant qu'éclataient les décharges de canons de la Citadelle se mêlant aux sonneries des cloches de toutes les églises de la Cité.

Le couple princier, encadrant la façade des Halls (Plaine des Vennes)


Dès qu'on vit apparaître les Princes, il y eut dans l'immense foule massée sur la place des Guillemins, un mouvement d'exhaussement.
Sur toute cette foule, ondulait un mouvement de vague, puis des chapeaux comme une bande d'oiseaux qui prend son vol, s'agitèrent; un immense cri de bienvenue les accompagnait: «Vive le Prince Albert! Vive la Princesse Elisabeth! ».

Le cortège se forma, composé successivement des voitures du Président du Comité Exécutif et du Commissaire Général, puis de celles des personnages officiels, celles-ci étaient suivies d'un demi-escadron des chasseurs à cheval de la garde-civique, après lequel venaient les voitures de la Cour attelées à la Daumont, précédées de deux piqueurs en casaque rouge, et encadrées d'un escadron des lanciers qui fermait le cortège.

Le cortège pénétrait dans l'enceinte de l'Exposition par le quai de Fragnée, salué par les drapeaux inclinés d'une centaine de sociétés, rangées sur son passage, depuis la porte de Fragnée jusqu'au monument Gramme.

Le Palais des Fêtes.

Dans la foule qui occupait l'Esplanade, ce fut comme dans la ville la même explosion  d'enthousiasme, mais déjà les voitures se rangeaient devant le Palais des Fêtes, cependant que la dernière boîte d'artifice éclatait, que la musique des chasseurs jouait la Brabançonne.

Le Prince et la Princesse, après avoir reçu dans le Salon royal les hommages des membres du corps diplomatique et des hautes autorités présentes, pénétraient dans la grande salle, introduits par le Président du Comité Exécutif et par le Commissaire général et prenaient place au trône d'honneur.

M. Emile Digneffe, président du Comité Exécutif, venait de se lever et, d'une voix forte, prononçait un très patriotique et très documenté discours.

Emile Digneffe.

Ce fut ensuite au tour de M. Gustave Francotte, Ministre de l'Industrie et du Travail de lire un vibrant discours.

Gustave Francotte.

Ces belles paroles firent courir sur l'assemblée tout entière un frisson sympathique.

Tout-à-coup, un énorme silence se fit, si grand qu'on entendait les froissements d'habits et que chacun semblait écouter le bruit de sa propre respiration.
S. A. R. le Prince Albert s'était levée et prononçait le discours que voici : 

Le devoir qui m'incombe aujourd'hui me remplit de joie.


En présidant à l'inauguration solennelle de l'Exposition universelle et internationale de Liège, je suis heureux de me solidariser avec les collaborateurs de cette manifestation brillante de nos activités nationales.


C'est avec empressement que la Princesse et moi nous avons accepté de prendre rang parmi les membres du Comité de l'Exposition.


Nous avons une ambition, celle de pouvoir toujours nous associer à tous les efforts qui tendent à rendre la Patrie plus heureuse, plus prospère et plus grande.


L'époque contemporaine se caractérise par le souci que partout l'on apporte aux intérêts économiques.


La situation particulière de la Belgique donne à ces intérêts une importance prépondérante.


La Belgique est le pays le plus peuplé de l'univers par rapport à son étendue.


Son industrie, favorisée par un riche sous-sol, a acquis, grâce à beaucoup d'initiative, à un travail assidu, une place primordiale.


La vie de la Nation est indissolublement liée à ses destinées économiques.


Celles-ci doivent être l'objet des préoccupations de tous, et c'est un devoir patriotique que de veiller à l'avenir de notre industrie.


Il faut être prévoyant et vigilant, s'armer de tous les perfectionnements possibles, améliorer les conditions du travail et la situation des travailleurs, s'assurer la paix et la force en faisant profiter harmoniquement du progrès tous les facteurs de la production.


Réjouissons-nous de l'influence bienfaisante que pourra avoir l'Exposition.


On y trouvera le beau et l'utile, on pourra y admirer les productions artistiques du passé et du présent, s'initier au côté pratique des sciences comme à tout ce que la culture et la civilisation réalisent dans les différentes parties du monde.


Puissent les millions de visiteurs qui bientôt afflueront ici profiter de cet enseignement mis à leur portée!


Puisse-t-il en ressortir un grand encouragement pour nos activités!


Quel cadre pouvait être mieux approprié à ce tableau de vie intense que celui que représente la ville de Liège, la doyenne de nos cités industrielles, la cité ardente, dont les habitants sont les continuateurs infatigables d'un passé de labeur et de vaillance séculaires?


En glorifiant le travail, cette manifestation unit les habitants du pays dans un même sentiment de mutuelle confiance; elle leur fait sentir davantage les liens de la grande famille patriale.
Elle resserrera par une cordialité nouvelle les rapports avec les nombreux pays qui ont bien voulu se faire représenter ici.


Nous avons été heureux de voir les étrangers répondre en si grand nombre à notre appel et nous saluons ici avec joie les représentants de toutes les nations qui prennent part à ce concours.


J'adresse à MM. les Commissaires étrangers l'expression de notre reconnaissance pour le précieux appoint qu'ils nous ont apporté avec un aussi gracieux empressement.


Nous connaissons tous et nous tenons à honneur de pratiquer nos devoirs à l'égard des nations dont la confiance et l'estime nous ont permis de prospérer et de progresser depuis trois quarts de siècle.


Le président du Comité Exécutif a parlé en termes heureux de l'élaboration de cette grande entreprise dont nous fêtons aujourd'hui l'achèvement.


En rendant hommage aux hommes qui ont contribué à mener à bien l'Exposition de Liège, je suis certain d'être l'interprète de ceux qui les ont vu à l’œuvre, qui savent ce qu'ils ont déployé de patient et de tenace labeur.


Le grand succès de l'Exposition, objet de tous nos vœux, sera l'éloge le plus éloquent de leurs efforts.


Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, ce discours, vibrant et éloquant, me semble encore d'actualité, moyennant quelques évidentes adaptations. A n'en point douter, il renforce encore cette envie de voir un tel évènement se renouveler à Liège en 2017.


J'espère pouvoir souhaiter les 6 prochains anniversaires de l'Exposition de 1905 à Liège, ce qui voudra dire que nous avons tous... touché au but !


Laurent Antoine LeMog

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