jeudi 7 avril 2011

Exposition universelle et internationale de Liége 1905 - Projet 3d

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Sixième pavillon,

Le Palais du Canada







Commissaire général: Colonel W. HUTCHISON.









Commissaire général adjoint et Secrétaire général: M. J. BRODIE.








Commissaire spécial pour la Province de Québec: le Baron de VEPINE.

Il a obtenu 12 diplômes de grand prix et 1 diplôme d'honneur.

Le Canada a tenu à faire grand et sans exagération ni surcharge apparente, il a réussi; il a tenu à faire beau, et sans grand effort qui trahisse la peine ou la recherche, il a atteint le but.

Il s'est offert le luxe d'un palais, parce qu'il n'avait que des richesses à mettre dedans et le palais couvre 2.000 mètres carrés. Il s'étage superbement, flanqué de quatre tourelles qui s'essorent jusqu'à 22 mètres de haut, tandis qu'une tour de 30 mètres domine l'entrée principale. Sur la façade, il a simplement collé son modeste emblème mais qui est comme le sceau d'un seigneur opulent et fastueux, une feuille d'érable et un castor. Tous deux symbolisent hautement les vertus d'une race hardie et entreprenante, dédaigneuse des obstacles, méprisante des difficultés qui s'épand sur un territoire de six millions de kilomètres carrés et qui appelle à la rescousse tous ceux qui étouffent dans la vieille Europe, rêvent d'horizons infinis dont la borne recule sans cesse.

Et le flot des émigrants roule sur cette terre féconde et luxuriante. Il en vient de partout, des États-Unis qui sont tout proches et des profondeurs de l'Europe; c'est une armée hétéroclite et bigarrée dans laquelle toutes les langues se croisent, tous les idiomes se marient, tous les instincts galopent côte à côte.

Et tout cela va infatigablement, coule éperdument vers ce grenier d'abondance du monde moderne, aux territoires gigantesques fourrés d'une épaisse toison de moissons, tandis que les richesses minières encore vierges d'exploitation attendent dans le mystère de la terre les forces de l'industrie qui les ramèneront à la surface.

Dès l'entrée, c'est un enchantement et une révélation. Il semble qu'un metteur en scène de premier ordre ait disposé ses ressources pour en tirer de jolis effets de théâtre. C'est clair, vif, pimpant, dans une apparence de fête, de cordialité et de bienvenue. Le drap rouge jette des tons de pourpre sur les murs, les gerbes de toutes nuances et de toutes couleurs dessinent des colonnes, sculptent des arches, s'épanchent en guirlandes, s'étirent en festons. On a la sensation d'une richesse surprenante, insoupçonnée et qui éclate brusquement aux yeux comme surgie de derrière un rideau de féerie. Tout cela savamment groupé, admirablement disposé pour des oppositions de teintes, pour des rapprochements de lumières. Chaque province du Canada, de l'Atlantique au Pacifique, est là, drapée dans la somptuosité de son décor original, dans la magnificence de ses produits incomparables, indéfinis, qu'ils viennent des forêts majestueuses que la hache entame à peine, des pêcheries immenses qui sont d'incalculables réservoirs de fortune ou des pâturages du Far-West où la mer d'herbages envahit quarante-cinq millions d'hectares.


Et l'on ne sait par où commencer cette visite, parce que l'étonnement et l'admiration défaillent à chaque compartiment. Au premier plan, les machines agricoles, superbes et imposantes, font une ceinture à un assortiment éclectique de spécimens de gros gibier: l'élan, le buffle, le caribou, le loup de prairie, tous ces nomades qui ont dû fuir et abandonner la place à la civilisation.

A gauche, l'agriculture trône en reine incontestée. Toutes les herbes fourragères du Canada sont là, massées en bataillons drus et compacts; des échantillons de blé, de seigle, de fèves, etc., dorment dans des bocaux, et pour fond de tableau, seize peintures d'artistes canadiens reconstituent la vie de la ferme, la genèse du travail d'un producteur dix ans durant, tandis que des panneaux surchargés de statistiques, épinglés de renseignements, criblés de notes explicatives édifient une sorte de panorama éloquent et de plaidoyer vivant sur la beauté du climat et la fertilité du sol.

Plus loin, au centre, on arrive aux minerais. Ils s'étalent là dans toute leur gloire, ils accaparent l'attention et la curiosité, se dressent en pyramide de nickel ou de plombagine, de cuivre, d'asbeste ou de phosphate, se campent en échantillons de corindon qui dispute au diamant le record de la dureté, d'aluminium dont le Canada est riche à ne savoir presque qu'en faire, d'argent, de cobalt dont il a des approvisionnements considérables.


Et voici un pavillon construit en pierres aurifères, quartz, chaléopyrite, sodalite, qui sert de temple à un coffre renfermant 250.000 francs de pépites et de lingots d'or. Cet ensemble exerce sur le passant une fascination particulière, excite une attention respectueuse. On ne saura jamais combien ce vil métal, tant décrié par les poètes, fait rêver de gens!

N'avons-nous pas dit que le Canada a des pêcheries et des forêts dont la renommée est proverbiale? Lacs, fleuves, rivières regorgent de poissons à la chair délectable; forêts ténébreuses et colossales s'enorgueillissent de 123 essences différentes, dont s'étale ici le tableau édifiant.

Et les fruits? L'étage leur sert de domaine, d'empire plutôt. Ces fruits canadiens sont presque irréels. On les dirait pétris dans une belle cire et enluminés par la science d'un retoucheur. Il y a là soixante-quinze variétés de pommes dont la robe a des douceurs de soie et des pâleurs rosées, vraies merveilles qu'on croirait saccager en enfonçant dans leurs quartiers un couteau meurtrier.

Et tout du long de la galerie gelées et confitures de toutes sortes sont rangées en lignes imposantes et originales.

Si le coup d'oeil d'ensemble est d'aspect séduisant par la coquetterie, sereine par le but, tout le détail est ravissant par le goût qu'on a déployé, exquis par la minutie et le souci qui ont présidé à leur installation.



Il n'y a pas lieu de s'étonner que le Pavillon du Canada ait suscité tant d'éloges et trouvé dans le public aussi chaleureux accueil.

Il était difficile de faire mieux, plus démonstratif, plus méthodique, pour prouver que le Canada a le droit de revendiquer la première place parmi les 48 colonies de l'Empire britannique et qu'il la doit autant à la belle vaillance et à la valeur morale d'un peuple laborieux et agissant qu'à la formidable richesse que la nature s'est plu à accumuler dans ses territoires comme si elle avait voulu en faire une perle du Pacifique.

Sans plus attendre, toujours le Palais du Canada, mais en polygones :




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